La semaine dernière, c’était l’AG du Refuge APAGI. Tout le monde parlait de ces nombreux chiens mordeurs. Difficiles à promener si ce n’est par des « spécialistes » et évidemment difficiles à faire adopter… qui voudrait d’un chien qui mord ? Ils vont donc rester longtemps, et il y en aura de plus en plus.
Ca m’a secouée ce constat, c’est vrai que moi, j’adore les chiens, j’ai toujours l’impression de les « capter » (et ils m’aiment aussi) mais il y a des chiens qui me font peur au refuge, je n’irai pas les promener. Ca m’a secouée.

Et puis je t’ai imaginé.

Toi, mon chien. je te connais pas coeur, je te comprends, je sais quand tu aimerais aller faire un tour, et toi tu sais quand j’ai le blues. Je sais aussi que tu es, sous ton aspect nounours, une « arme de guerre » comme disent mes fils. Pourtant tu as, grâce à moi ou c’était en toi, je ne sais pas, une absolue confiance en l’humanité. Contrairement à bien des chiens de ta race, tu aimes tout le monde. Quand on sonne à la porte, tu crois toujours que c’est pour toi. Quand une voiture ralentit, c’est surement un ami, un gentil, une occasion d’être caressé, alors tu fais la fête à tout le monde tout le temps. Tu crois en l’Homme. Quand je pars et que je dis « tu restes là » tu sais, tu vas te coucher sur ton matelas. Tu n’insistes pas, jamais tu tentes le « forcing » et jamais tu n’as fait de bêtises. Je t’ai dit « je reviendrai » et je reviens. Tu as confiance.
Mais je sais aussi qu’en bon primitif, et en bon akita, tu peux être féroce, violent, puissant avec les autres chiens, ceux qui te manquent de respect uniquement, ceux qui n’ont pas les codes de politesse. Tu es Mr Hyde en ces instants là, méconnaissable, et parfois j’entrevois dans ces instants là, le 1/4 de loup qu’il te reste.

Alors je t’ai imaginé. J’ai imaginé qu’un jour, tu termines dans un box de refuge. J’ai imaginé que tu sois obligé de faire ton popo là où tu dors alors qu’aujourd’hui il faut aller à 300m de la maison parce que ton jardin, non, ce n’est pas un endroit pour ça. J’ai imaginé que toute la journée tu entendes les aboiements et les plaintes car oui, les chiens abandonnés aboient toute la journée (avec un répit de deux heures l’après midi), que tu assistes aux bagarres même si on fait tout pour les éviter, que lorsqu’on te promène tu te fasses agresser par 1, 2, 10 chiens dans le couloir qui va te permettre d’aller, enfin, te promener dans les champs. J’ai imaginé que tu vives dans l’odeur des autres chiens, tout le temps, tous les jours, sans répit. J’ai surtout imaginé que tu aies été trahi. Que cette main que tu chérissais et que tu prenais dans ta gueule le soir en rentrant de la promenade, que cette main là t’ait abandonnée. Ce n’est pas de l’anthropomorphisme que de savoir que ton coeur de Akita serait brisé, que ton âme de samouraï, ton sang de Hatchiko serait noir de douleur.

Alors  j’ai compris que tu pourrais mordre. J’ai su que, comme Buck quand il perd son maître, plus rien ne le rattache aux hommes et qu’il déchire de ces crocs ces hommes, les autres, ceux qui ne sont pas « lui ». J’ai imaginé et j’ai compris que tu pourrais ne plus avoir confiance et ne plus rien attendre de ceux qui t’ont mis derrière des barreaux dans la plus terrible des injustices.  J’ai pensé au Comte de Monte Christo, enfermé injustement, et qui passe la vie qu’il lui reste à se venger. J’ai imaginé que toi, mon chien, tu ne penserai pas à te venger mais que tu pourrais mordre ceux qui pourtant essaient de t’aider.

Je t’ai imaginé et j’ai pleuré.

Je pense que pour que notre monde fonctionne mieux, on devrait enseigner le « je me mets à ta place ». Qui irait violer, voler, tuer, kidnapper, abandonner, piller, torturer s’il sait, s’il a appris le « je me mets à ta place » ? J’essaie de l’apprendre à mes fils alors que je sais que ce n’est pas facile le « je me mets à ta place ». On prend la douleur en pleine tête, on pleure souvent, on voit des choses que personne ne voit. Ce n’est pas confortable.

Et puis, j’ai regardé autrement les chiens mordeurs du refuge. Je me suis mise à la place de, j’ai écris, je suis venue vers toi, je t’ai pris dans mes bras, et tu m’as regardé de ton air d’Akita, un oeil fou d’amour et un oeil « c’est moi qui décide ». Confiant.

 

 

IMG_2909

Tags
0 Commentaire

Laisser un commentaire

X