Balade dans les bois, par Charlie du Néblon, envoyé spécial pour Wafinu

13 mai 2019, Cornimont, Vosges.

Bjour les gens !

Jme présente : je suis Charlie.

Le ptit frère de Pop. Jsuis tout blanc, comme lui, mais moi, j’ai des taches, que même not’ Mom, elle dit que ma grand-mère, elle a dû faire une infidélité à Bon-Papa avec un dalmatien. Huhu, Mom, t’es drôle ! 😊(mais je sais pas ce que ça veut dire…). Et j’ai quatre pattes. Moi. C’est pour ça que Pop m’a envoyé pour vous faire un reportage dans les bois des Vosges. Ben oui, lui, avec ses trois-pattes-seulement, il commence à avoir du mal à monter les chemins ! Mom dit que c’est juste une grosse feignasse, mais moi, je le comprends. Ils sont difficiles, ces sentiers plein de pierre ! Pis ça fait peur…

Mom, elle m’appelle Monsieur Délicat, parce que je n’aime pas mettre mes pattes dans la boue. En fait, elle comprend pas que j’ai les coussinets sensibles. Faut la voir, avec ses grosses bottines.

Enfin bon.

Voilà notre histoire, quand on est partis faire « un tout petit tour, histoire de prendre l’air », comme elle a dit. Trois heures, qu’on a pris l’air. A la fin, j’étais fa-ti-gué !

On a commencé par un bout sur le bitume, sur la Route du Grand-Clos. Ca j’aime bien, le bitume ! Ca pue, mais on sait qu’on n’est jamais trop loin des Humains ! Ben oui, en fait, les autres animaux (à part Pop) m’effraient un peu… Pendant 3 minutes, ça a été vraiment sympa ! Il y avait un petit vent, un rayon de soleil (j’aime bien le soleil, c’est bon pour mon poil !), personne pour embêter Mom. Puis :

*BROUF*

  • KaÏ !
  • Euaaaaaaah !
  • Mom, c’tait quoi ?
  • Je sais pas, Charlie, mais tu viens de m’arracher le bras en tirant sur la laisse, là. Qu’est-ce qui se passe ?
  • … Y a un truc, là.
  • Un truc. -_-
  • Oui, là, le gros machin brun. Lààààà, de l’autre côté de la route !
  • … C’est un poney, Charlie.
  • C’est gros !
  • Oui, mais c’est pas méchant. Allez, on continue.

On a repris la marche, mais j’ai vu que le poney… Il bougeait aussi !

  • Mom…
  • Quoi, Charlie ?
  • … (il nous suit).
  • Oui, ben c’est rien ! C’est curieux, un poney.
  • C’est pas dangereux ?
  • Sauf quand il charge.
  • …. Ah ?
  • Oui, et ils sont particulièrement sensibles aux chiens blancs à taches.
  • … (ah bon ?)
  • Oui, d’ailleurs, je vois qu’il t’a dans l’œil.
  • ….
  • 😊
  • MoooOooooom….
  • C’est pour rire, Charlie. Regarde, on a dépassé son enclos.
  • C’pas drôle. ☹
  • Ttention, parfois, ils sautent au-dessus des clôtures ! :p
  • MOOOOOM ! Arrête.
  • C’est bon, j’arrête, pardon. (mmmmfrrrrrrhihihi !).

Après le bitume, on a pris un chemin, non sans une nouvelle frayeur : y avait une grande chienne blanche en travers, qui voulait me faire des bisous. Moi, je voulais pas – j’aime pas les bisous (sauf ceux de Mom), et Mom a dû demander au monsieur qui habitait là de bien la garder avec lui. Ouf, elle était attachée, mais j’aimais pas trop. Après, on a marché dans les bois. Ca montait, mais c’était chouette ! Le sol était sec, seulement des oiseaux dans les arbres, personne d’autre. Et là, Mom a commencé à parler toute seule. Pop m’avait prévenu (« tu vas voir, parfois, elle se met à discuter. Tu crois que c’est pour toi, mais en fait, non. C’est pour elle. Elle appelle ça ses Soliloques. Moi, je dis que c’est le début de la vieillesse ! 😀 ». Sacré Pop ! Si Mom l’entendait ! (Pop, t’es drôle!).

Moi, je l’entendais, en tout cas, et ça tournait autour du sujet du « Dépassement de Soi ». De la raison pour laquelle certains Humains décident de faire des choses jusqu’au-delà de leurs forces. Rapport à son spectac’ de danse qu’elle a fait la semaine avant en étant borgne et au bord de la syncope. Ils sont fous, ces Humains… Moi, ça ne me viendrait pas à l’esprit de faire tant d’efforts ! Sauf peut-être sur le Trampoline. Et encore.

Finbref, en l’écoutant, je me suis rendu compte qu’en fait, elle est aussi couillonne que moi. Je l’entendais dire « Et je fais quoi, si un sanglier vient à nous charger ? Genre, c’est pas Charlie – no offense, Chacha- qui me défendrait ! (Elle a pas tort : quand je marche avec elle, je ne m’éloigne jamais de plus de 2m, et si je peux rester collée à une de ses jambes, je préfère)(j’aime bien ma laisse, par exemple). Je l’ai vue ramasser discrètement un bâton, et continuer sur le même sujet : « Sérieux, Canari, tu marches la trouille au corps. Pourquoi tu fais ça ? C’est pour te dépasser ? En même temps, t’es bien la seule à te flanquer un vélo dans l’œil sur un chemin balisé, donc ici, tu risques ta vie, hein. D’ailleurs, ça fait un moment que je n’ai plus vu de balise. (…) Oui mais après, si on n’ose plus rien, on ne sort plus ! Oui mais à côté, y a personne qui sait que t’es ici. Merde, faut que j’avertisse quelqu’un.» J’ai cru comprendre qu’elle a envoyé un sms au Mâle, en notifiant notre position. C’est pas con… Bon, il est en Belgique, à 400km de nous, mais au moins, il saura où chercher pour retrouver nos cadavres ! Ca a continué comme ça jusqu’à ce qu’on retrouve le bitume. Bitume, Sweet Bitume ! <3
Mom a jeté son bâton, et a envisagé la route. Puis elle a changé d’avis (what the… ?) et nous a indiqué un large chemin de terre dans les bois, apparemment arpenté par des bulldozers. J’étais pas trop chaud. Mais j’ai pas eu le choix.

  • Regarde Charlie ! C’est plus sympa qu’avec des autos !
  • Oui mais c’est pas pratique, hein ! C’est tout mou, y a plein de boue, y a des trous ! Mom, chsuis pas sûr que…
  • Maaiiiiiis si ! Allez ! Mouille tes pattes ! Hop !
  • Mouiller mes pattes ? Mais t’es folle ? Après, ça va me faire des crevasses sur les coussinets, et je vais avoir des griffes toutes fissurées, et je viens de laver mon pelage.
  • Boaaaaaah ! Couillon ! Regarde, même pas peur !

*Plouf*

Même pas peur, en effet. Elle s’est enfoncée dans un trou d’eau jusqu’au mollet. J’ai bien ri. Sous cape, mais j’ai bien ri. Elle aussi, mais apparemment, ça faisait tout de même froid au pied gauche de droite. (« Quand on a deux pieds gauches », qu’elle a dit en se marrant). Par la suite, c’est moi qui ai tracé la route sur les petits bouts de terre sèche, où c’est impossible de mettre deux pattes de front, mais au moins, on n’était pas mouillés.On continuait à monter, quand j’ai vu que Mom avait repris un bâton.

  • Charlie… T’as vu ?
  • (*petit frisson de peur*) QuoiquoiquoiMom ?
  • Y a des traces de cerf. Fraîches.
  • … Et ça veut dire quoi ?
  • Qu’une harde est passée par ici il y a… (Mom a mis son doigt dans la trace. L’a senti)(Berk). Quinze minutes. Max.
  • Ah ? Et alors ?
  • Je vois au moins trois individus différents : un cerf adulte. Une biche. Et son faon.
  • Et… Ca veut dire ?
  • Mom ?
  • … Qu’on pourrait se faire charger par le mâle.
  • Il va vouloir protéger sa famille.
  • Demi-tour ?
  • Ayeaye, chef !

On a fait demi-tour, en trottinant (« Pas faire trop de bruit, pas les avertir »), à contresens des traces que j‘avais pas vues à l’aller. Il y en avait une é-no-rme ! Deux fois ma pattounette avant et presque aussi haute que la bottine de Mom (Mom a même murmuré « C’est pas un cerf… C’est l’empreinte du Démon !… »). Et on a repris la route. La vraie. Macadam, Sweet Macadam ! Mom a re-jeté son bâton – bon signe-, et on a atteint notre destination – le Col du Brabant- après 20 minutes. L’idée était d’aller déguster une tarte aux brimbelles et une croquette au restau du haut, puis de redescendre peinards par le Chemin de la Bourrique (30 minutes de descente, coul, relax, vite à la maison…). On avait déjà marché 1h45.

On s’est arrêtés près des flèches d’orientation, le temps que Mom cherche ses sous.

  • Mom…
  • Oui, Charlie ?
  • Mom, y a un chien.
  • Oui, je sais, mon chien. Tu n’es pas un chat, que je sache.
  • Je veux dire. (*glup*) Devant nous.
  • ?
  • Il vient vers nous, Mom. Mom, on est traqués.
  • … Ah mais… Attends, c’est le berger de l’auberge. T’inqu…
  • La dernière fois, il m’a grogné dessus !
  • … C’est vrai.
  • … Mom, y s’rapproche !

Et j’ai senti que Mom était pas trop rassurée non plus. C’est vrai que ce cabot-là m’avait murmuré plein de menaces la dernière fois où on était venus au restau, mais là… Il avait l’air de vouloir les mettre à exécution.

  • Bon, ben Charlie, on va bouger, hein ? Euh… Par où on va ?
  • Ben il bloque le seul chemin.
  • Non, on peut aller par là !
  • Non, y a … (y a des poneys).
  • Et là, c’est le précipice.
  • Ptêt pas, alors.
  • Bah, reste qu’une solution : le Mur des Granges.
  • Ouaiiiiis !
  • A peine une heure quinze pour y arriver !
  • Ouaiiiis !
  • Et puis seulement 45 minutes jusqu’à la maison !
  • Ouaii… quoi ? Deux heures, encore ?
  • Tu préfères les poneys ?
  • … Nan, allons-y.

J’ai encore failli faire tomber Mom en tirant sur la laisse, même si le berger avait fait demi-tour, mais on ne sait jamais que ça change d’avis, ces psychopathes-là.

On a donc continué. C’était un beau chemin de crète, avec de grands paysages sauvages et une vue bien longue en avance sur les dangers potentiels. Mom s’est arrêtée pour faire ses lacets (pas si pratiques que ça, tes bottines, Mom ! 😊Mes coussinets, tout délicats soient-ils, sont plus simples d’emploi !) et je me suis assis sur sa tête pour nous protéger des agresseurs potentiels. Elle a marmonné un truc, genre sacréfoutucabocouillonjvoisplusrienbougedela, mais j’ai préféré ne pas écouter et attendre qu’elle ait fini.

Le chemin a commencé à descendre dans les bois. Je m’étais détendu. D’après Mom, il devait nous rester 15 minutes avant le refuge du Mur des Granges, où on allait pouvoir faire une pause pipi-nature et croquettes. J’ai même voulu montrer mon courage en chassant des petits prédateurs sournois tout bruns et super agiles.

  • Charlie…
  • OUAIIIIIS ! J’l’ai eu, Mom ! T’as vu, chsuis un super héros !
  • C’est une feuille morte, Chacha.
  • … Ah ? Euh… Ben j’ai mon Level Un, alors ? 😊
  • Si tu veux, mon chien. Si tu veux.

J’étais en train de chercher une nouvelle proie un peu plus difficile quand… j’ai vu passer devant moi, genre tout-près-tout-près-tout-près (au moins CINQUANTE METRES !) un énoooooooorme poney tout brun ! Il courait, comme un malade !

  • MOM !

Mom a freezé avec moi. Elle avait encore jeté son bâton, et j’ai vu sur son visage qu’elle le regrettait. Donc elle aussi a peur des poneys…

  • Charlie ! Y en a d’autres ! Deux… Trois… Quatre ! Viens près de moi !

Je me suis caché dans ses jambes. Elle m’a fait une doudouce d’une main tremblante et a empoigné la laisse comme si c’était un nounechacou.

  • T’inquiète, je suis là…
  • Kaï !
  • Ce sont juste… des biches.
  • Kaïïïï !
  • En plein jour, pinaise. Elles sont énormes !

J’ai quand même senti une sorte d’admiration dans le ton de la voix de Mom, et c’est vrai que c’était très gracieux, ces quatre grosses bêtes au pelage brillant, qui sautaient le chemin avec une facilité déconcertante.

  • T’inquiète, Charlie… Les biches, c’est plus couillon que nous.
  • … (t’es sûre ?)
  • … (à vrai dire, euh… Non). (*sigh*)

On a dé-freezé après environ dix-sept minutes, on a repris la route (pas le choix), et Mom s’est remise à soliloquer. Fort haut.

  • Nan, parce que normalement, c’est NOUS, les PREDATEURS ! Hein ? Pas ces stupides ruminants ! Spas ? C’est BIEN CONNU, un cervidé, c’est trouillard à fond ! CA FUIT ! HEIN ? Hein, que vous fuyez ?
  • Nous aussi, Mom.
  • OUI mais NON ! MEMPASPEUR ! Et comment ça se FAIT que VOUS sortez en PLEIN JOUR ? Hein ? En Belgique, y font pas CA, les cervidés ! HEIN ? Ils sortent à la BRUNE !
  • … Mom ? Ca va ?
  • A La BRUNE ! Comme le dit la CHANSON ! CE SOIR A LA BRUNE NOUS IRONS MA BRUNE CUEILLIR DES SERMENTS !
  • Mom, tu m’fais peur !
  • CETTEFLEURSAUVAGEUQUIFAITDESRAVAGEUDANSLESCOEUUUUUUUURSDENFANT !
  • Mooooom, tu vas les attirer !
  • POURTOIMAPRINCESSEUJENFERAIDESTRESSEUETDANSTEEEEEESCHEVEUX !!!

Je me suis mis prudemment derrière Mom (qui commençait à me flanquer de sacrées chocottes) en me disant que si le cerf voulait protéger sa famille contre cette folle de Bipède qui massacre une chanson à tue( !) —tête, j’aurais le temps de détaler.

Finalement, on n’a plus croisé de bestioles. Je crois que les braillements de Mom auront suffi à faire peur à toute la faune à 5km de distance pour au moins 10 ans. C’est qu’elle est efficace, ma Mom.

On a retrouvé la route en bitume (Bitume, Sweet Bitume) du Grand Clos. On a re-croisé notre copain poney, qui s’est tenu à respectable distance (tu m’étonnes, il a dû entendre la chanson !). Et on est arrivés à la maison, sains et saufs. Mes coussinets me picotaient un peu, alors Mom m’a fait un massage des pattes. Moi, je lui ai relavé le visage avec ma langue. Après tout, elle m’avait sauvé la vie !

J’l’aime, ma Mom ! <3

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